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1945 : Le Bourbonnais au secours de la terre brûlée des Vosges

Département de l'Allier
Pourquoi la commune de Saulcy-sur-Meurthe a-t-elle donné le nom de Moulins sur Allier à sa rue principale ? Et sa voisine Jeanménil ? Pourquoi une place des Vosges à Moulins ? Et des plaques au nom de Saulcy-sur-Meurthe et de Jeanménil dans le hall de l’hôtel de ville moulinois, sans oublier celle citant 28 communes vosgiennes à la préfecture de l’Allier ?
Ces plaques témoignent de la solidarité du Bourbonnais envers la « terre brûlée des Vosges ». C’est ainsi que le journaliste et écrivain bourbonnais Henri Laville intitule son reportage en mars 1945 lorsqu’il se rend dans les Vosges avec le comité de parrainage Bourbonnais-Lorraine. « Terre brûlée » car 107 communes ont fait l’objet d’une destruction systématique par l’armée allemande à l’automne 1944 dans le cadre de l’opération « Waldfest ». Devant la ligne de défense sur les Vosges qu’elle tente de constituer la Wehrmacht veut une zone où rien ne subsiste afin de bloquer la progression des Alliés pendant l‘hiver. Les villes sont incendiées, les usines détruites, les campagnes ravagées et des milliers de civils envoyés en Allemagne comme travailleurs forcés ou déportés. Les habitants se terrent dans des caves ou des abris de fortune. « Il faut avoir vu dans quelles conditions vivent les habitants de Saulcy, un petit bourg qui a tout perdu… Le moindre recoin de ruine qui a encore quelque solidité est une chance dont on s’empare fébrilement… on aménage pour 8 personnes une pièce dont nous ne voudrions pas pour deux » écrit Laville le 26 mars 1945.
Un moulinois natif des Vosges, Georges Biquet (1905-2002), organise la solidarité avec ces sinistrés dès décembre 1944 en créant avec d’autres le comité de parrainage Bourbonnais-Lorraine. Ils mobilisent préfet, président du conseil général, maires, syndicats, entreprises, associations et particuliers autour de l’idée d’un parrainage des communes vosgiennes par des communes bourbonnaises qui viendront en aide à leurs filleules.
Dès l’été 1945, des enfants vosgiens passent 45 jours de vacances en Allier. L’émotion des Moulinois est vive à l’arrivée de plus de 800 gamins à la gare de Moulins puis tout au long du cortège qui les conduit, précédé de La Lyre moulinoise jouant la marche lorraine, jusqu’à la place d’Allier où ils sont accueillis avant d’être dirigés vers des centres d’accueil. Des petits vosgiens séjournent ainsi plusieurs étés en Allier. À compter de 1946, ils sont accueillis au sein de familles volontaires.
Les secours collectés bénéficient à 28 communes des Vosges. Tout le Bourbonnais est mobilisé car le principe retenu est celui d’au moins un parrainage par canton. Moulins parraine ainsi Saulcy-sur-Meurthe et Jeanménil. Ce soutien permet notamment la reconstruction d’un foyer rural dans les deux communes.
En 1948, face aux inondations catastrophiques qui ravagent à nouveau certaines de ces communes, le comité Bourbonnais Lorraine relance une campagne de solidarité.
En remerciement, les deux communes déposent en 1952 à la mairie de Moulins deux urnes contenant la « terre brûlée » prélevée sur les sites des bâtiments publics détruits à Jeanménil et Saulcy, et le parchemin authentifiant ce prélèvement, ainsi que deux plaques de gratitude.
En juillet 1955, ce parrainage est célébré par la réception d’une délégation vosgienne à Montluçon, Commentry, Gannat, Vichy, Lapalisse et Moulins où est alors inaugurée la plaque de la place des Vosges. Au conseil général, qui siège alors en préfecture, est apposée la plaque qui témoigne de la solidarité entre le Bourbonnais et les 28 communes.
Le comité Bourbonnais-Lorraine va ainsi exercer son activité pendant une quinzaine d’années. Puis peu à peu, le souvenir de cette entraide va s‘estomper malgré un échange de délégations entre la ville de Moulins et les deux communes vosgiennes filleules en 1991 en présence de Georges Biquet. Aujourd’hui, nombre de nos concitoyens ignorent la signification des plaques pourtant présentes pour nous rappeler la nécessité et la force de l’entraide aux victimes des guerres.
Dans un monde où bien des terres brûlées sont à nouveau placées sous notre regard, la devise de Pasteur que Georges Biquet aimait à citer pour expliquer son engagement est pourtant plus que jamais d’actualité : « Je ne te demande ni tes opinions, ni ta religion mais quelle est ta souffrance »
Jean-Luc Galland

Appel à témoignages :

  • Si vous disposez d’informations, de documents écrits ou photographiques sur les séjours d’enfants vosgiens en Bourbonnais en 1945 et les années suivantes vous pouvez en faire part à la Société d’Émulation du Bourbonnais qui pourra ainsi compléter les archives dont elle dispose sur cette solidarité avec les Vosges (fonds Georges Biquet)
  • Contact : emulation.bourbonnais@orange.fr
Images et sources :
  • Toutes les sources utilisées pour cet article proviennent des documents et de l’iconographie du fonds Biquet aux archives de la SEB.
  • Toute reproduction ou utilisation des images est soumise à autorisation de la SEB.