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À la redécouverte de l’American Cinéma

Moulins
À Moulins il y a 100 ans : un Noël sous le signe de Zorro !
À la redécouverte de l’American Cinéma
Pas de marché de Noël sur les cours de Moulins en ce mois de décembre 1923. De tels marchés sont alors cantonnés à l’Europe centrale et à l’est de la France, l’extension géographique de cette tradition n’intervenant que dans le dernier quart du XXème siècle.
Mais en 1923 sur les cours il y a l’American Cinéma ! Et au programme pour la fin d’année un film qui draine les foules dans toutes les villes depuis des semaines : le Signe de Zorro (The Mark of Zorro). Ce film muet, joué par Douglas Fairbanks, sorti en 1920 aux USA, donne une célébrité mondiale au personnage de Zorro créé en 1919 par Johnston MacCulley dans un roman feuilleton « The curse of Capistrano ».
Par sa programmation, l’American Cinéma a joué un rôle essentiel dans la diffusion des principaux films du cinéma muet, notamment américains, à Moulins dans les années 1910 et 1920. Le premier véritable long métrage péplum de l’histoire du cinéma « Quo vadis » y est projeté dès 1913. L’American affiche aussi les films de Cecil B. De Mille tels « Fruit défendu » en 1922 ou « L’amour a-t-il un maître » avec Gloria Swanson en 1923, ou bien ceux de la star hollywoodienne du muet d’origine japonaise Sessue Hayakawa comme « Forfaiture » ou « Amour de Geisha ». Simples exemples car il est impossible dans le cadre de ce court billet de les citer tous…
Certes d’autres cinémas existent alors à Moulins dont le principal est l’Artistic, place Garibaldi. Mais au programme de ce dernier figurent le plus souvent des films comiques, tel « Ribadouille a la berlue » fin 1923, ou des films mélodramatiques.
Humbert Robiolio est aux manettes de l’American Cinema. Ce fils d’un immigré italien venu s’installer à Moulins comme limonadier dans la seconde moitié du XIX ème siècle, a fondé en 1903, sur l’actuel cours Anatole France, le « Café Américain ». C’est à l’audace de ce jeune homme de 23 ans qui fit appel aux nouvelles tendances architecturales et décoratives de son époque que les Moulinois doivent ce bâtiment aujourd’hui inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques.
Pourquoi ce nom de café « Americain » ? Sans doute car Robiolio souhaitait donner à son établissement une image de modernité, qui dans l’esprit de l’époque était souvent associée à celle de l’Amérique
Robiolio cherche à faire de ce café un pôle d’attraction. Au 1er étage, il installe une académie de billard. Son café devient aussi le siège social du Football Club Moulinois dont il est par ailleurs un des membres fondateurs ! Et comme les autres cafés des cours, il commence à organiser les premières séances de cinématographie en extérieur ! Le projecteur est placé à l’étage et l’écran sur les cours, les spectateurs regardant depuis la terrasse du café ! Mais la projection est dépendante de la météo…
En 1909 il transforme un ancien atelier de serrurerie qui jouxtait le café en salle de skating ! Et cette piste de patinage accueille en fin de semaine des séances de cinéma ! Ainsi est né l’American Cinéma.
Robiolio sait s’inscrire dans les réseaux de diffusion des maisons cinématographiques. Sur la base des placards de promotion de ces films on peut en déduire qu’il est lié avec Pathé dès les années 1910, puis avec la Paramount mais aussi avec le producteur français Louis Aubert. Il ne cesse de chercher à perfectionner son installation pour qu’elle soit la plus moderne. Ainsi le 1er juillet 1923 il témoigne dans la revue professionnelle Cineopse de l’installation d’une nouvelle lampe miroir et d’un transformateur qui lui permet de diviser par huit sa consommation d’énergie !
Il n’hésite pas à organiser aussi dans cette salle des concerts. Ainsi en septembre 1923 l’American Cinéma accueille le célèbre pianiste Eugène Reuchsel venu interpréter des pièces de C. Franck et F.Liszt.
En 1935 Humbert Robiolio cède la direction de l’American Cinéma à Louis Florentin qui le rebaptisera « Colisée ». En 1941 il cède à ce même Louis Florentin le « café Américain ». Les Florentin père puis fils marqueront à leur tour les lieux pendant toute la seconde moitié du XXème siècle. Mais ceci est une autre page d’histoire…
Sur le site de l’ancien American Cinéma s’est ouvert désormais la Maison des métiers des arts et du design. Quant au « Café Américain » puisse ce billet prendre forme d’un vœu de Noël pour qu’il retrouve vie rapidement et apporte à nouveau chaleur des rencontres et convivialité aux Moulinois. Au-dessus de la porte d’entrée, le nom d’Humbert Robiolio, toujours inscrit, semble déjà nous accueillir…
Jean-Luc Galland
Photographies du café Américain Crédit photo : Chabe01 – Sous licence CC
Sources et bibliographie
  • Madeleine Souillat « Petite chronique autour des cent ans du café Américain » bulletin SEB 2004-2005 p.70
  • Julie Siboni « Première projections cinématographiques à Moulins et Vichy 1895-1914 » Etudes bourbonnaises n °306
  • Presse locale ancienne -archives SEB
  • Revue Cinéopse 1923 (Source gallica.bnf.fr / BnF)