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André RENAUD : le 3ème déporté du Café du Théâtre

Moulins Personnages historiques
Le 21 juin, à 15h, à l’auditorium de la salle des fêtes de MOULINS, la Société d’Emulation du Bourbonnais organise la seconde conférence-hommage aux époux Joseph et Marcelle TAQUE, cafetiers propriétaires du Café du Théâtre (aujourd’hui L’Entracte) à MOULINS, qui furent dénoncés en 1943 et déportés en 1944.
L’occasion de rendre ici également un hommage à leur ami et compagnon d’infortune, Monsieur André RENAUD, qui fut victime de la même dénonciation, conduisant à son arrestation simultanée et à sa déportation à BUCHENWALD.
André Alexis Marien RENAUD est né le 4 avril 1903 à Moulins. Il est le fils de Joseph Augustin RENAUD (employé de banque) et de Marguerite Marie VERMILLON.
En 1923, il exerce le métier de préparateur en pharmacie. Engagé volontaire par devancement de l’appel le 10 mai 1923, il est affecté au 113ème Régiment d’Artillerie Lourde. Il y obtient le grade de brigadier le 26 octobre 1923.
Il est démobilisé le 10 novembre 1924 avec le grade de maréchal des logis.
Passé dans la réserve militaire, il effectue une période d’exercices du 8 au 28 avril 1929 au 16ème R.A.L. et le 7 aout 1929, il se déclare représentant en produits pharmaceutiques, puis devient représentant en « commerce de bouche » (épices, etc).
Le 16 décembre 1935, il est nommé Maréchal des Logis Chef.
Il se marie le 30 janvier 1936 à GANNAT avec Alice Marie Gilberte CHARBONNIER et son fils Augustin Pierre RENAUD nait le 24 novembre 1936, à GANNAT.
La famille s’installe alors au 1er étage du Château de l’Eperon à YZEURE, avec les parents de son épouse.
Cette dernière décède le 28 mai 1939 à YZEURE. André accepte alors l’aide de ses beaux -parents pour élever son fils âgé de 2 ans et demi et vit avec eux.
André est rappelé sous les drapeaux le 2 septembre 1939 et affecté au 147ème régiment d’artillerie aux armées le 10 septembre 1939. Il passe adjudant le 30 décembre 1939 puis est dirigé sur le service auxiliaire le 5 mars 1940, versé à la section sanitaire de la 67ème D.I. où il sera affecté comme « infirmier permanent couvert par la Convention de Genève ».
Il est fait prisonnier le 19 juin 1940 au cours des combats à TREVILLERS (25) et interné avec le matricule N° 84033 au Stalag II B situé à HAMMERSTEIN en Pologne (nom actuel CZARNE). Il en est libéré, rapatrié et démobilisé le 12 février 1941, grâce à son statut de non combattant, en exécution de ladite Convention.
Il regagne alors YZEURE et reprend son activité de représentant.
Malgré son jeune âge à l’époque, son fils se souvient :
« Il était un ami intime du couple TAQUE. Il travaillait les matins et consacrait ses après-midis à jouer au bridge au Café du Théâtre.
Mais en toute discrétion, il se livrait aussi à une autre activité : faire franchir la ligne de démarcation aux personnes qui en avaient besoin. Pour cela, il allait au pont de Villeneuve Sur Allier, en vélo, et les faisait traverser là bas…
A son retour, souvent, il arborait simplement une épingle dorée au col de sa veste. Cela voulait dire à ceux qui connaissaient le code que le passage avait réussi. »
Mais tout bascule le 22 juillet 1943 : alors qu’il conversait avec Joseph et Marcelle TAQUE, au café du Théâtre, André et le couple font l’objet d’une dénonciation et sont brutalement « arrêtés par la Gestapo, arme aux poings », pour avoir tenu des « propos gaullistes et pro-anglais ».
Ils sont internés à la Mal Coiffée. André est ensuite transféré au camp de Royallieu à COMPIEGNE (60) puis est déporté le 16 septembre à BUCHENWALD, où il arrive le 18 et reçoit le matricule 21021.
Son fils a alors 6 ans et, orphelin de mère, se retrouve désormais privé de son père. Ses grands-parents maternels continuent de le prendre en charge à YZEURE.
Son père Joseph RENAUD, devenu expert-comptable, est une figure bien connue et respectée de MOULINS. Il sollicite alors l’intervention du préfet, qui adresse un courrier le 25 octobre 1943 aux services de Police, lesquels le renvoient vers VICHY… La sollicitation restera vaine…
A BUCHENWALD, André effectue sa période de quarantaine au Block 55 du Petit camp puis intègre le Block 31 du Grand camp.
Son itinéraire a été reconstitué par l’Association Française Buchenwald Dora et Kommandos et serait le suivant :
• A son arrivée, affectation au Kommando intérieur Ganswindt (travaux pour l’entreprise Ganswindt),
• le 18 juillet au Kommando Bhf Buchenwald (travaux en gare de Buchenwald),
• le 3 août au Kommando (Transportkolonne SS ( transport pour les SS),
• le 18 août au Kommando Entlader Gustliff-Werk (déchargement pour l’usine),
• le 19 septembre retour au Kommando Bhf Buchenwald,
• le 10 octobre au Kommando Baulager (entrepôt de matériaux).
• Le 8 janvier, transfert au Kommando d’Ohrdruf chargé des travaux de terrassement, du creusement de vingt galeries et de la construction d’une voie ferrée pour la future installation souterraine de l’État-major-général de la Wehrmacht.
Le Kommando d’Ohrdruf est évacué le 4 avril 1945 à BUCHENWALD.
Membre de la Brigade Française d’Action Libératrice, il participe alors à la libération du camp de BUCHENWALD le 11 avril 1945.*
Rapatrié le 29 avril 1945, par train, sur Paris, il reste quelques mois chez des cousins dans l’objectif de reprendre des forces avant de revenir sur YZEURE.
A son retour il reprend son métier de commerçant, son beau-père ayant continué de gérer son portefeuille tout le temps de sa déportation, dans l’espoir de son retour.
En 1948, André souhaite que le repas de communion de son fils ait lieu au Café du Théâtre. Cependant, après la vente du café par Marcelle TAQUE, ses parties de bridge se dérouleront au Grand Café, chez son ami Emile MARCELLOT.
La carte de Déporté Politique N° 1.111.00306 lui est attribuée sur décision du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre en date du 15 décembre 1951.
Le 9 Janvier 1955, il reçoit sa médaille de la déportation en même temps que Claude DUSSOUR.
Très éprouvé par sa déportation, il est reconnu à 100 % invalide le 2 février 1965 par le Comité de Réforme du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre.
Le 7 janvier 1974, il épouse Simone CONCEPRIO à Moulins et il décède le 17 janvier 1981 à DESERTINES (03).
Il fut membre de plusieurs associations d’anciens combattants et de déportés mais ne parlait jamais de ces années de déportation à son entourage, sinon pour leur dire que « là-bas, il fabriquait des chaussures… ».
Une plaque sera posée à la mémoire d’André RENAUD le 21 juin à 11h à L’entracte.
La conférence précisera dans le détail les circonstances de la dénonciation dont furent l’objet les époux TAQUE et André RENAUD.
Christelle HERMET
* Lorsque les Américains rentrent dans le camp le 11 avril 1945, les déportés membres de la Brigade Française d’Action Libératrice ont pris le contrôle du camp, fait 200 SS prisonniers qu’ils livreront aux Américains, sans même les avoir brutalisés (ce qui forcera l’admiration des militaires de l’armée US) et libéré Buchenwald, sauvant 21.000 prisonniers.
Sources et remerciements :
  • Monsieur Augustin RENAUD, fils d’André RENAUD
  • Archives départementales de l’Allier et de Saône et Loire
  • Association Les Amis de la Fédération pour la Mémoire de la Déportation de l’Allier (AFMD)
  • Association Française Buchenwald Dora et Kommandos