L’Association des Écrivains-Paysans (AEP) a été fondée à Plaisance-du-Gers le 17 septembre 1972 sous l’impulsion de Michel Maurette, Marius Noguès, Jean Robinet. Ont participé, venus de l’Allier, Pierre Petitjean, Maurice Charles, Arsène Laforêt. En 1973, le congrès de l’AEP est organisé à Moulins, au centre de formation agricole les 15-16 septembre, et se conclut par une visite du Musée-maison Émile Guillaumin à Ygrande, sous la conduite de sa fille Suzanne Souchon-Guillaumin. Les 20 et 21 octobre 1973, un colloque consacré à l’écrivain se déroule à Moulins auquel participent Jean Robinet, président de l’AEP, et Lucien Gachon. Une visite du Musée-maison a lieu avec Suzanne Souchon-Guillaumin qui a adhéré à l’AEP ainsi que Lucien Gachon. En 1974, le Conseil général de l’Allier créée le Prix littéraire Émile Guillaumin. En 1975, le Prix est attribué sur tapuscrit à Bonnes gens de Claude Joly. Le livre paraît en 1976 édité par Les Cahiers bourbonnais, illustré de ses dessins et préfacé par Suzanne Souchon-Guillaumin. Claude Joly devient membre de l’AEP.
Depuis 2002, l’AEP est dite Association des Écrivains et Artistes Paysans (AEAP). En 2019, sa Bibliothèque patrimoniale a été transmise à l’Ethnopôle Garae, Maison des Mémoires à Carcassonne (Aude). Elle regroupe 1300 ouvrages, œuvres des 500 auteurs. En octobre 2024, trois Journées d’étude « Marcelle Delpastre, une femme-monde » ont eu lieu à l’Université Toulouse Jean-Jaurès et à l’Ethnopôle Garae. Marcelle Delpastre a été évoquée en comparaison avec Anjela Duval et Claude Joly. Ces trois écrivaines ont en commun d’être célibataires, filles de paysans et la reprise de la ferme. Marcelle Delpastre et Claude Joly ont fait des études et acquis une formation artistique. En revanche Anjela Duval a quitté l’école à 12 ans.
Claude Joly est le nom d’auteure de Marie Marguerite Parent née le 18 juin 1913 au Montet près de Tronget, et décédée le 27 décembre 1997 à Moulins. Marguerite et Suzanne se connaissent depuis leur internat au lycée à Moulins. À la rentrée de 1926, Suzanne en philo (elle a 17 ans et prépare le baccalauréat) et Marguerite en 5e (elle a 11 ans). Marguerite aime écrire, dessiner et la directrice l’encourage. En 1929, malade, elle regagne la maison pour être soignée. En 1932, à 19 ans, elle effectue une formation d’infirmière à Moulins jusqu’en 1934. Sa biographe ne précise pas s’il s’agit de l’école d’infirmières créée par la Croix-Rouge française, et l’on ne sait où travaille Marguerite une fois diplômée. En 1939, sous son nom d’auteure, paraît son premier livre, Antoine, aux éditions Les livres nouveaux à Paris. Durant la guerre, elle se fait secouriste, infirmière. Puis en 1945 (elle a alors 34 ans), elle suit des cours à l’École des Beaux-Arts à Paris jusqu’en 1947. Dans l’année, l’éditeur Crépin-Leblond à Moulins publie ses Croquis bourbonnais, illustré de superbes lithographies. C’est une artiste talentueuse, une illustratrice confirmée. La vie dans la capitale lui convient.
En 1955, à la suite de la mort brutale de son père à 73 ans, elle revient à Tronget et prend en charge la ferme. En 1972, sa mère décède. L’année suivante, Marguerite cesse son activité agricole. Elle a 60 ans. Elle rassemble ses dessins, ses notes éparses et renoue avec l’expression artistique, l’écriture. En 1975, c’est le Prix Émile-Guillaumin. Suzanne Souchon-Guillaumin décède le 31 août 1981, peu avant le colloque à Moulins le 19 septembre auquel participe Claude Joly avec d’autres membres de l’AEP : Maurice Charles, Lucien Gachon, Pierre Petitjean (lauréat du Prix Émile Guillaumin 1980), Jérôme Radwan, Émile Raguin et la sociologue Rose-Marie Lagrave.
Claude Joly s’est choisie comme nom d’auteure le patronyme de sa mère, lié à Tronget, berceau de la famille. Son père, Alexandre Parent, y est né en 1882 et sa mère, Joséphine Joly, en 1887. Son grand-père maternel, Gilbert Joly, né en 1840, était membre du Conseil municipal durant la mandature de François Mercier (1912-1920). Soucieux d’évolution sociale, cet entrepreneur a voulu la construction des écoles publiques et la création d’un sanatorium devenu important. Cela a pu inciter Marguerite Parent à une formation d’infirmière. Sa biographie reste lacunaire.
Elle aura vécu en famille, entourée d’enfants. Le recensement de population de 1936 mentionne, au lieu-dit Le Hazard au n°7, Albert Joly né en 1900, « cultivateur patron » (à l’état-civil Albert Gilbert Pierre), son épouse Yvonne et leurs enfants (Marcelle, Anne-Marie, Édouard), Gilbert né en 1872 (père d’Albert et frère de Joséphine) et une domestique. Au n° 8 sont recensés Alexandre Parent « agriculteur patron », son épouse Joséphine et leur fille Marguerite. Au n°9 demeurent le cantonnier Étienne Thévenin, son épouse, « garde barrière » (en charge certainement d’un passage à niveau de la ligne ferroviaire Montluçon-Moulins) et leur fille.
Suzanne Souchon-Guillaumin signale dans sa préface avoir demandé à Claude Joly si elle se définissait comme une « paysanne écrivain ». Sa réponse est négative. Elle avoue qu’elle aimait beaucoup Paris et sans le décès de son père, elle s’y serait fixée. Toutefois, elle se dit « paysanne dans l’âme, paysanne de cœur ». L’usage par la fille d’Émile Guillaumin de la désignation « paysanne écrivain » fut en 1976 une nouveauté autant qu’en 1904 l’usage de la désignation « écrivain-paysan » par son père à parution de La Vie d’un simple.
Jacques Chauvin