Nicolas Thurot naît au domaine de Rose à Bressolles le 29 mars 1773 où sa mère vient de s’installer. Le père du petit Nicolas était paysan au domaine des Bretins dans le quartier de La Madeleine à Moulins mais il décède trois mois avant la naissance de son fils.
Sa mère se remarie à Jacques Déchets, un cabaretier de La Madeleine où le couple finit par s’installer. Nicolas ne fréquente pas longtemps l’école, il est placé comme berger chez un fermier à Neuvy. Il aime jouer à la petite guerre avec une bande de gamins du voisinage, mais costaud et de stature imposante, Nicolas cognait fort et il fut renvoyé à sa mère. Devenue à nouveau veuve, elle le place comme ânier à Moulins.
En 1789, les États généraux se réunissent à Versailles. Monsieur Vernin d’Aigrepont, propriétaire des domaines de Rose et des Bretins, est élu député du tiers-état bourbonnais. C’est la prise de la Bastille et la terreur s’installe dans les campagnes. À cette époque, le régiment d’Angoulême, devenu 34ème Régiment d’infanterie, tenait garnison à Moulins. C’est donc tout naturellement dans ce régiment que Nicolas Thurot se présente pour s’engager en 1791.
Il apprend alors à lire et à compter avec acharnement. L’année suivante, il est engagé au 6ème régiment de Hussards. Seulement un an après son engagement, il reçoit la première des 17 blessures qu’il subira pendant sa carrière militaire et qui en fera un des officiers les plus souvent blessés des guerres de la Révolution et de l’Empire.
Entre 1793 et 1798, notre soldat gravit les échelons très vite. C’est comme sous-lieutenant qu’il entre au 8ème Hussard à Haguenau. Il se marie en 1802 à la fille d’un procureur de cette ville. Le capitaine Nicolas Thurot est fait chevalier de la Légion d’honneur en 1804. Après Austerlitz et Iéna et nombre de blessures par coup de sabre ou coup de feu à la tête, on considère que tant de bravoure ne peut rester ignorée, il est alors admis dans la garde de l’empereur le 21 juillet 1807.
Un an plus tard, nommé chef d’escadron, il est envoyé à Strasbourg pour y rétablir une santé fortement délabrée par les fatigues et les blessures. Mais il ne tient pas en place et fera les campagnes du Portugal et d’Allemagne jusqu’en 1814. Pendant les Cent-Jours, il est fait colonel et baron d’empire. Cavalier légendaire, il s’illustre sur les champs de bataille. À Waterloo, il se dépense encore sans compter pour repousser les Anglais et espère toujours ses épaulettes de général lorsqu’il est mis en « non activité » en 1816.
Il se retire alors à Haguenau jusqu’à sa mise en retraite en 1820. Il ne peut pas rester inactif et devient ainsi le maire de Haguenau pendant 10 ans. Malgré les embûches, il remet de l’ordre dans les finances de la ville. À la suite de ce mandat, il est fait colonel de gendarmerie dans l’Aude pendant 4 ans. Après une grave blessure pour avoir essayé de protéger le préfet, la robuste santé du vieux hussard se dégrade.
Malade, il se retire à Haguenau après être passé par Moulins pour voir sa famille, il meurt le 19 novembre 1835. Sa veuve et ses amis firent ériger sur un terrain offert par la ville de Haguenau un important monument en grès rose des Vosges.
Nicolas Thurot était généreux avec sa famille, ambitieux, il s’était fait lui-même. Intelligent et volontaire, s’il avait signé, comme tant d’autres, les obligations de serment de fidélité au roi, il resta toujours profondément bonapartiste. C’était un soldat et il servait celui qui commandait.
Francis Pérot, apparenté au général Thurot, raconte que, dans les combats, Thurot quittait son uniforme et n’en conservait que le pantalon. Retroussant les manches de sa chemise, se découvrant la poitrine, il dénouait sa longue barbe qu’il tenait ordinairement cachée sous sa tunique et, se retournant alors vers ses hussards et brandissant son sabre, il leur disait, à l’heure du combat : « En avant mes enfants ! Je vais ouvrir le passage. Chargez-vous de me suivre. »
En 1997, une cérémonie au domaine de Rose à Bressolles honorait ce valeureux petit paysan bourbonnais devenu baron d’empire. Une rue de Moulins dans le quartier de la Madeleine porte son nom.
Christine Morer