1951 voit l’installation des américains de l’OTAN au parc de la Mothe à Yzeure. Quel choc des cultures surtout au niveau automobile ! La France se relève tout juste de la 2ème guerre mondiale, la production de voitures peine à repartir, et soudain les rues de Moulins se voient parsemées de grosses américaines rutilantes, Cadillac, Buick, … et quelques anglaises autrement plus exotiques !
Il faut remplir tous ces réservoirs et les américains utilisent les bons d’essence spécifiques à la station-service de la Standart Oil, (marque américaine devenue ESSO) située à l’angle de la rue de Paris et de la rue Jean Baron.
Construite à la fin des années 20, elle symbolise le début du développement d’un nouveau mode de vente des carburants. En effet à l’origine l’essence était vendue essentiellement en bidon de 5 litres soit par les rares garagistes soit par les épiciers. Ce procédé dangereux en raison des manipulations de carburant s’est vite avéré dépassé et les premières pompes manuelles voient le jour aux Etats Unis dès 1910 et de notre côté de l’atlantique après la première guerre. Cependant la vente des bidons perdurera quand même jusqu’aux années 30 ! Le concept de station-service est né et outre l’essence, la vente d’huile et l’offre de toutes sortes de services permettent à l’automobiliste de voyager sereinement.
Mais revenons à notre petite station, située idéalement à l’époque à la sortie Nord de Moulins elle pouvait capter le trafic grandissant de la N7 et celui de la N9 pour ceux qui se rendait ou venait de Paris. La majorité des stations de l’agglomération se trouvaient d’ailleurs au Nord, elles étaient une quinzaine dans les années 60 ! Elle faisait aussi partie des premiers relais routiers (Les Trois Rubans) avec le restaurant au nom éponyme qui rappellera lui beaucoup plus de souvenirs au Moulinois dû à sa fermeture beaucoup plus récente.
Vers 1953 le bâtiment est modernisé tout en gardant son architecture typique de style Art Déco, les vieux bijaugeurs manuels sont remplacés par des volucompteurs de marque Boutillon Primeter 500 les plus perfectionnés de l’époque (ils sont très recherchés par les collectionneurs aujourd’hui !). Le gérant aussi va changer, Louis Perrier cède sa place à Gérard Thomas qui va la tenir jusqu’à la fin.
En 1957 la base américaine ferme, l’avenir de la station s’assombrit brusquement privée de la consommation hors norme de ses fidèles clients. De plus en raison de l’augmentation de la circulation, les véhicules venant de Paris empruntent maintenant la rue Jean Baron, la privant d’une manne financière non négligeable.
Malgré sa modernisation, elle n’est plus à la page avec ses pompes sur le trottoir, les nouvelles constructions sont beaucoup plus accueillantes avec de larges pistes bien à l’écart de la circulation. Un nouveau point de vente du même pétrolier est ouvert un kilomètre plus au Nord. La fermeture inéluctable intervient très peu d’années après.
Vous qui empruntez la rue de Paris, vous reconnaitrez la station qui est de nouveau visible suite à un nettoyage récent de la végétation qui l’envahissait.
Aujourd’hui on peut dire qu’il est exceptionnel en France de voir resurgir un tel bâtiment pionnier de son époque presque 100 ans après sa construction sans qu’il fut modifié !
Mais quel sera son avenir ?
Ne serait-il pas judicieux de préserver ce patrimoine ?
Thierry Lacombe