Histoire d’un train qui cherche sa voie : le Paris/Moulins/Clermont-Ferrand entre années 50 et 70
La reconstruction des lignes et ouvrages d’art détruits par la guerre achevée, la SNCF peut, à compter des années 1950, assurer la pleine exploitation d’un réseau ferroviaire dont elle est depuis 1938 l’unique gestionnaire. Un coup d’œil sur l’indicateur horaire de 1956 nous montre une offre de trains reliant Paris, Moulins et Clermont bien différente de celle que nous connaissons en 2022.
Le voyageur doit tout d’abord choisir sa gare parisienne : Austerlitz ou Gare de Lyon ? Car les deux sont possibles. Ainsi le rapide « Le Bourbonnais » quitte Paris-Gare de Lyon alors que le « Thermal » part de la gare d’Austerlitz. Il en est de même pour les express et les trains de nuit qui se répartissent entre les deux gares.
La SNCF a recours à l’itinéraire depuis Austerlitz par Bourges car il permet d’utiliser la traction électrique entre Paris et Vierzon. Alors que les locomotives à vapeur règnent sur les trains acheminés par Nevers depuis la Gare de Lyon, à l’exception du « Bourbonnais » assuré en automotrice diesel.
Le voyageur doit aussi prêter attention à la destination précise de la voiture où il s’installe car les trains sont composés de rames à destinations multiples ! Le « Bourbonnais » se sépare ainsi en deux rames à Saint-Germain des Fossés, l’une allant à Clermont l’autre à Saint-Étienne ! Car en 1956, la ligne ne dessert pas exclusivement Clermont-Ferrand mais aussi Roanne et Saint-Étienne. Moulins voit même à compter de 1963 s’arrêter chaque jour un express reliant Paris à Lyon !
Il faut choisir aussi entre rapide et express ! L’express est plus lent et moins confortable que le rapide mais il présente l’intérêt d’assurer la desserte des petites villes. En 1956, grâce à un express, Varennes sur Allier est ainsi relié chaque jour à Paris et Gannat bénéficie d’une liaison directe avec la capitale par un train de nuit. Ces express permettent aussi un cabotage de ville à ville sur de longues distances et ainsi, par exemple, de rallier depuis Moulins les villes plus au nord comme Gien, Montargis ou Melun sans changement.
Cette desserte, qui ne connaît que des ajustements mineurs jusqu’à la fin des années 1960, fait l’objet de critiques de plus en plus vives au fil des ans. On reproche tour à tour le nombre de trains insuffisants, les rames anciennes et peu confortables, des horaires mal adaptés et des temps de trajets trop longs. Élus et chambres de commerce et d’industries mettent en avant le retard de la desserte de l’Auvergne et du Bourbonnais au regard du réseau électrifié qui relie Paris à Lyon ou à Lille. Le « Bourbonnais » souffre de la comparaison avec le train le « Capitole » qui relie Paris, Limoges et Toulouse en poussant depuis 1967 des pointes à 200 kms/h.
Avec la fin de la vapeur en 1968 et l’arrivée de locomotives diesel plus puissantes, la SNCF remodèle la desserte. Le passage par Vierzon avec départ d’Austerlitz cesse pour les trains de jour en 1973. Les rames à destination de Roanne et Saint-Étienne sont progressivement supprimées. Les express vont disparaître au fil des années 70 et 80. Conséquences dans le Bourbonnais : Varennes sur Allier, Gannat, et même progressivement Saint-Germain-des-Fossés perdent leurs liaisons directes quotidiennes avec la capitale.
À contrario Clermont-Ferrand, Vichy et Moulins bénéficient à compter de 1973 d’un nombre accru de trains plus rapides. L’introduction des rames « Corail » dans la seconde moitié des années 70 puis l’électrification de la ligne en 1988-1990 parachèvent cette modernisation.
Mais déjà le TGV a pris son élan sur Paris/Lyon en 1981 et la croissance du trafic qu’il induit à Paris-Gare de Lyon conduit à un nouveau changement de gare parisienne pour le Paris/Clermont qui doit rejoindre Paris-Bercy en 2011.
À la fin du XXème siècle le débat sur l’inadaptation du train Paris/Clermont et sa nécessaire modernisation ressurgit. Mais ceci appartient à l’actualité et pas (encore) à l’histoire…
Et pourtant du vif débat entre les tracés ouest, médian et est du projet de ligne à grande vitesse Paris/Orléans/Clermont/Lyon, au scénario Y de l’association « Objectif Capitales » préconisant une desserte accélérée depuis Paris-Austerlitz par Vierzon, l’actualité semble quelquefois revisiter les chemins tracés au fil de l’histoire.
Comme si ce train n’en finissait pas de chercher sa voie et ses gares…
Jean-Luc Galland