Pour évoquer le premier édifice religieux construit à l’emplacement de la cathédrale Notre-Dame de Moulins, il faut se reporter à une peinture réalisée par Marie-Claire Boulot, qui donne une idée assez réelle du site de Moulins à la fin du Xe siècle.
Au premier plan coule une rivière où sont stationnés des moulins-bateaux : c’est l’Allier. A l’horizon, au sommet d’une colline, un petit village dont l’origine remonte à l’époque gauloise : c’est Yzeure. Entre cette petite agglomération et l’Allier, il n’y a pratiquement pas d’habitations ; seules quelques huttes de pêcheurs sont installées près du cours d’eau. Cependant, sur une colline rocheuse surplombant la rivière se trouve déjà un poste fortifié qui deviendra le château des ducs de Bourbon dont nous avons évoqué l’histoire précédemment.
Il y a aussi à proximité une chapelle dédiée à Saint Pierre, propriété de quatre frères : Vion, Lambert, Bérard et Guillaume, qui la vendent pour 30 sous à l’Abbaye de Cluny. L’acte de vente daté de 990 mentionne qu’elle est située « in Villa Molinis ». De cet édifice d’origine, il ne reste que quelques colonnettes et chapiteaux trouvés lors des travaux d’agrandissement de la cathédrale au XIXe siècle. La Vierge Noire, statue du XIIe siècle, est sans doute le seul témoin visible aujourd’hui de cette chapelle. Au XIIIe siècle, l’aspect de cette dernière n’a jamais fait l’objet d’une modification. Par contre, dans la charte de franchise octroyée aux habitants de Moulins en1232, son vocable a changé. Elle est appelée « Ecclésia Beatea Maria de Molinis ».
C’est sous le principat de Louis II de Bourbon que Moulins devint vraiment la capitale du Bourbonnais. En 1378, il adressa au pape Clément VII une requête en faveur de sa ville : il sollicitait l’établissement d’un chapitre collégial de 12 chanoines qu’il comptait installer dans la chapelle existant depuis le Xe siècle près du donjon. Quelques années plus tard, le 7 décembre 1386, l’évêque de Nevers procéda à l’érection de cette chapelle en collégiale sous le vocable de l’Annonciation. En 1390, le duc Louis II ordonna l’agrandissement de cette collégiale. Il eût probablement préféré une reconstruction mais à l’époque le manque de ressources l’en empêcha. Cet édifice agrandi et modifié est reproduit dans l’Armorial de Guillaume Revel.
Moins d’un siècle après, la collégiale du duc Louis II n’était plus en rapport avec la splendeur de la cour ducale ni avec l’importance de la cité féodale dont la population ne cessait de s’accroître. Le 5 avril 1468, Agnès de Bourgogne, veuve du duc Charles Ier de Bourbon, posa la première pierre d’un nouvel édifice. Mais en réalité, c’est en 1474, sous le duc Jean II, son fils ainé, que commencèrent les travaux. Ils furent continués à partir de 1488 par Pierre II et Anne de Beaujeu. C’est enfin en1540 que le chantier fut en principe terminé grâce à Louise de Savoie, duchesse d’Angoulême, mère de François Ier. En effet, l’édifice devait comporter une travée de plus à l’ouest, mais faute de ressources, c’est un mur provisoire en briques qui fut monté et qui resta en place pendant trois siècles. Parmi les architectes de cette nouvelle collégiale, véritable joyau de style gothique flamboyant, les archives révèlent les noms du chanoine Musnier, de Guillaume Foissier et de Clément Mauclair chanoine de Bourbon.
Après les troubles de la Révolution, le Concordat de 1801 rendit l’édifice au culte et en 1823, il fut érigé en cathédrale au moment de la création du diocèse de Moulins. Mgr. De Pons, premier évêque, en prit possession le 13 juillet 1824.
La collégiale du XVe siècle était trop petite pour les besoins d’une cathédrale. Après l’intervention du maire de Moulins et de Mgr de Dreux-Brézé, le nouvel évêque, un décret fut rendu en 1852 par le Prince-Président(le futur Napoléon III) confiant les travaux à l’architecte Lassus. Celui-ci mourut alors que les travaux débutaient et c’est Eugène Millet, élève de Viollet-le-Duc, qui le remplaça en 1860.IL fut assisté par le jeune architecte Paul Selmersheim. Devant l’insuffisance des crédits alloués, Millet dut présenter un plan plus simple et par conséquent un nouveau devis. La cathédrale fut enfin terminée en 1876.
Une vue générale de l’édifice permet facilement de discerner les deux périodes de construction. Alors que la collégiale est bâtie en grès de Coulandon dans le style gothique flamboyant du XVe siècle, la nef du XIXe siècle est édifiée avec la pierre blanche de Chauvigny et de Chavroches dans le style gothique rayonnant du XIIIe siècle.
Georges Chatard