Il est devenu banal de dire que la ville de Moulins est relativement récente, et, si rien ne peut fixer la date et les circonstances de sa fondation, on est d’accord sur un point : elle n’existait pas encore vers le VIIe siècle, à l’époque où furent érigées les paroisses dans notre région.
Qu’avait donc alors devant les yeux l’homme qui arrivait sur les coteaux de la rive gauche de l’Allier dans les années 990 ?
A ses pieds coulait une rivière dont plusieurs ilots embarrassaient le cours. Sur la rive droite, s’étendait un espace marécageux, exposé aux moindres inondations et où venaient se réunir dans un étang, les eaux de deux modestes ruisseaux. Cet étang s’appellera plus tard l’étang Bréchimbault.Au bord de la rivière, se trouvaient quelques huttes de pécheurs et de paysans. En effet, la plus grande partie des habitants étaient regroupée sur la hauteur dans le bourg fortifié d’Yzeure qui existait depuis l’époque gauloise.
Ce lieu pratiquement inhabité situé entre le village d’Yzeure et la rivière Allier était cependant un carrefour très important. En effet, deux voies très anciennes remontant au moins à l’époque gauloise se croisaient : l’une (Nord-Sud), reliant Paris au Midi de la France, l’autre (Est-Ouest), reliant Cluny à Souvigny.
Aussi l’endroit choisi pour implanter une forteresse apte à contrôler le trafic routier et fluvial fut l’éminence rocheuse qui émergeait à proximité et qui formait le seul point stable et facile à défendre au milieu de la vallée ensablée.
A proximité de ce poste fortifié qui à l’origine était probablement en bois, il y avait déjà en cette fin de Xème siècle une petite chapelle dédiée à Saint-Pierre. Elle était la propriété de quatre frères : Vion, Lambert, Bérard et Guillaume. Ces derniers la vendirent pour 30 sous à l’abbaye de Cluny. L’acte de vente daté de 990 mentionne qu’elle était située « in Villa Molinis ». C’est la première mention écrite de Moulins.
Dès le XIème siècle, le donjon en bois dut être remplacé par une construction en pierre et c’est autour de cet ensemble château et chapelle que s’est développée peu à peu la ville de Moulins.
Dans le texte du catalogue de l’exposition « La forme d’une ville : Moulins 990-1990 » organisée par la bibliothèque publique à l’occasion du Millénaire de Moulins, M. François Voinchet, architecte en chef des Monuments historiques, précise que ce développement prit la forme d’accroissements concentriques, approximativement circulaires dans les villes médiévales d’Europe occidentale.
A Moulins, cette forme d’accroissements ne fut pas possible à l’Ouest au-delà du château, car les terrains situés au niveau de l’Allier étaient marécageux et souvent inondés. Ceci explique la forme semi-circulaire prise par les extensions successives vers l’Est appuyées sur l’axe Nord-Sud du château. A mesure que la place manquait on était obligé de construire à l’extérieur des remparts et de procéder à l’édification d’une nouvelle enceinte le plus rapidement possible pour mettre la population en sécurité.
Le tracé des rues actuelles reflète encore nettement cet accroissement radioconcentrique car la démolition d’une enceinte abandonnée donnait chaque fois naissance à une nouvelle rue.
La vue cavalière de Moulins au XVème siècle réalisée par le chanoine Clément montre très distinctement les extensions de la ville à partir du château. La première ligne de remparts correspond à la rue des Orfèvres et à la rue Grenier (trait rouge), la deuxième à la rue François Péron et à la place de l’Hôtel de Ville (trait vert), la troisième à la rue Diderot, la rue Voltaire et la rue d’Allier (trait bleu).
Quant aux dernières fortifications de l’époque médiévale, elles ont laissé la place aux cours Jean Jaurès et Anatole France.
Georges Chatard