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Le bourbonnais du commando Kieffer

Moulins Personnages historiques
Au printemps 1942, le 23 mars exactement, le 1er Bataillon de Fusiliers Marins Commandos (1er BFMC) voit le jour en Grande Bretagne. Créé par la France Libre (FNFL), son commandement est confié au capitaine de corvette Philippe Kieffer.
Un bourbonnais intégrera ce prestigieux commando : René Navrault, né le 3 juin 1921 au n° 55 du boulevard de Courtais à Moulins, fils de Antoinette Navrault, domestique cuisinière au service de la famille Malgras, 9 avenue d’Orvilliers à Moulins.
Il a 18 ans quand éclate la guerre et s’engage au 149ème d’artillerie lourde hippomobile à Issoire. Il est envoyé à la surveillance de la frontière italienne. A l’armistice il décide de s’engager dans la Marine, il est affecté sur le croiseur auxiliaire Victor Schoelcher, ex bananier qui travaillait sur la ligne des Antilles qui sera coulé lors du sabordement de la Marine 6 mai 1942 à Diégo Suarez.
René Navrault s’engage dans les Forces Françaises Libres et intègre le commando Kieffer où il sera formé au déminage. Il sera désigné fin 1943 avec 5 autres français et 3 anglais pour mener une opération de renseignement. Parti de Douvre, le groupe est débarqué entre Calais et Dunkerque sur la plage du « Petit Fort Philippe » à Gravelines1 avec pour mission d’étudier l’armement des blockhaus allemands et de repérer les champs de mines. Mission réussie, mais au retour leur embarcation tombe en panne. Deux hommes se noient, deux anglais sont pris et fusillés, les cinq autres se séparent en 2 groupes. Navrault est caché par des paysans. Il décide avec Gaston Pourcelot, un gars de Belfort, de se rendre à Paris chez sa mère qui a quitté Moulins pour la région parisienne. Il ne la verra pas, un voisin lui apprend qu’elle a été arrêtée par la Gestapo. Elle en réchappera en maintenant que son fils est mort, elle le retrouvera à la libération. René et Gaston se procurent des faux papiers, mais dans l’incapacité de rejoindre la Grande Bretagne, ils décident de poursuivre la lutte en France. Ils partent pour Lyon où Pourcelot le quitte pour se rendre à Besançon. Il sera arrêté, torturé et déporté. Navrault rejoint sa sœur Germaine dont le mari est garde-champêtre à Bellenaves. Celui-ci le met en rapport avec le groupe de résistants Raphanel du Mouvement Uni de la Résistance.
Le 15 mai 1944 les résistants reçoivent l’ordre de rejoindre le massif de la Margeride à proximité du Mont Mouchet, où sont concentrés des milliers d’hommes dont bon nombre de réfractaires au STO n’ayant aucune formation militaire. Navrault alors surnommé « Cadet » est chargé de les instruire.
De nombreux heurts avec les allemands dont l’armement est bien supérieur obligent les résistants à souvent changer de bivouacs. Navrault se retrouve à Pionsat avec un maquis du MUR. Il commande un groupe de sabotage composé de 4 « malgré nous » déserteurs de l’armée allemande, 3 luxembourgeois et 1 danois. Ils coupent des lignes de chemin de fer, attaquent des convois ou des dépôts. Le groupe harcèle les troupes allemandes et prend part aux combats de la libération de Montluçon, de Moulins, d’Yzeure et de Saint-Pierre-le-Moutier.
En septembre 1944, souhaitant toujours réintégrer le commando Kieffer, après huit jours de vélo ou de marche, il arrive à Paris. Un mois plus tard il réussit à monter dans un avion pour l’Angleterre. Son vœu est exaucé. Il repart avec le commando n° 4 aux Pays Bas et prend part aux combats de Flessing. « ça frappait dur. On faisait le ménage devant la 1ère armée canadienne. Ça a duré jusqu’en Allemagne. Le 8 mai 45 nous étions près d’Essen ».
Il recevra la Médaille Militaire avec une citation à l’ordre de l’armée, la Médaille de la Résistance et un certificat délivré par l’autorité militaire britannique pour loyaux services accomplis dans les commandos alliés.
Plus près de nous, en 2004, une commémoration du débarquement se déroulant en Ecosse, à Achnacarry, ville dans laquelle les commandos ont été formés au combat, a mis le doigt sur une plaie non refermée. Un tiers des commandos encore vivants n’avait pas la Légion d’Honneur ! « « Un ange passa, avec le béret vert mais sans « la rouge » ». Cette cérémonie était enfin l’occasion de leur remettre cette distinction. D-Day: à ses héros, la patrie indifférente – Libération (liberation.fr)
René Navrault se mariera le 4 janvier 1947 à Paris V° avec Yvette Couvret.
Il fera une seconde carrière dans les douanes françaises comme inspecteur à la Direction Nationale des enquêtes de la Douane où il s’illustrera lors de nombreuses découvertes de laboratoires clandestins de fabrication d’héroïne. Il est également à l’origine de l’arraisonnement en mer d’un bateau, le « Caprice des temps » chargé de 425 kg d’héroïne, (port de Villefranche sur Mer), réalisant à cette époque, la plus importante saisie de drogue dans le monde ! Il recevra la distinction de Chevalier de l’Ordre National du Mérite des mains de M. Valéry Giscard d’Estaing le 23 juin 1972.
D’autre part, il était grand amateur de football et il était commentateur au Parc des Princes pour les matches du Paris Football Club, ancêtre du PSG. Il côtoyait entre autre Michel Drucker et Thierry Roland et connaissait bien les meilleurs joueurs de l’époque.
René Navrault s’éteint à 84 ans, le 22 décembre 2005 à Evry (91)
(1) : Une rue de Gravelines porte son nom
Michel Morer
Sources :