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Les maisons à colombages de Moulins

Moulins
Contrairement à d’autres villes, Moulins n’a pas su garder ses maisons à colombages datant de l’époque médiévale. Dans le quartier ancien, autour de Jacquemart, il n’en reste que quatre, situées rue Grenier, rue des Orfèvres, rue de l’Ancien Palais et rue de la Flèche.
Immeuble 2, rue Grenier
Cet immeuble qui a bénéficié d’une restauration à la fin du XXe siècle, a été construit au XVe siècle par Thierry de Clèves, valet de chambre et chirurgien du duc Jean II de Bourbon.
Sur les deux étages supérieurs formant saillie, on constate une prédominance du bois alors que le rez-de-chaussée est uniquement en pierre. L’encorbellement du premier étage repose sur de puissantes consoles de pierre, tandis que celui du second s’appuie sur des supports en bois s’allongeant en pendentifs reliés par des arcs. L’immeuble a été classé M.H. en 1926.
En 1460, les halles de Moulins étaient situées entre deux rangées de maisons donnant les unes rue de la Revenderie (rue François Péron), les autres rue du Grenier de Mgr le duc (rue Grenier), entre autres la maison de Thierry de Clèves. A l’intérieur de la halle ces deux rangées de maisons dont le premier étage reposait sur des piliers, étaient séparées par une allée à ciel ouvert. Les étals des marchands étaient installés à l’abri dans l’espace situé derrière les piliers. La halle était accessible par trois entrées : une au nord et les deux autres donnant l’une rue de la Revenderie, l’autre rue du Grenier de Mgr le duc.
Il est difficile d’évaluer exactement l’ampleur des dégâts occasionnés par l’incendie de 1655 évoqué dans le précédent sujet. Le feu avait pris au nord de la halle près de la collégiale, détruisant complètement quatre immeubles ; Marie Litaudon, dans son ouvrage « Moulins en 1460 », mentionne que les flammes se contentèrent de lécher les toitures pour aller embraser le haut de la tour de Jacquemart, ce qui parait un peu surprenant. Ce qui est certain, c’est que la maison de Thierry de Clèves a été épargnée.
Maison 7, rue des Orfèvres
Cette maison est située dans une rue qui a gardé son caractère médiéval. Grâce à un décrochement, on peut en admirer le pignon et la façade longeant la rue. Elle est remarquable par ses étages en encorbellement, ses larges fenêtres à meneaux encadrées de piliers sculptés et sa poulie au niveau du 3ème étage. Dans son ouvrage « Moulins en 1460 » Marie Litaudon indique que cet immeuble était, en 1461, propriété de Guillaume Moreau, secrétaire de Madame la duchesse, épouse du duc Jean II de Bourbon.
Roger de Quirielle, dans son « Guide archéologique de Moulins », date cette construction du début du XVIe siècle. Il est plus vraisemblable qu’elle ait été construite au XVe siècle puisque Guillaume Moreau en est propriétaire en 1461, mais que quelques modifications furent effectuées par les propriétaires suivants au début du XVIe siècle, en particulier sur les fenêtres.
Aujourd’hui, cet immeuble classé M.H. en 1947 est propriété de la Société d’Emulation du Bourbonnais depuis 1937.
Maison 3, rue de l’Ancien Palais
De même que la précédente, cette maison peut être vue sur deux faces en raison de sa situation à l’angle de deux rues. De la place de l’Hotel de Ville on peut admirer son pignon étroit et élancé ; cependant, il ne faut pas oublier sa façade latérale avec ses deux étages en encorbellement et ses pans de bois en croix de Saint-André. Par contre, le rez-de-chaussée est en pierre.
Marie Litaudon, dans son étude sur Moulins au XVe siècle, indique que cette demeure a été construite peu après 1460 par Lorin des Barres, secrétaire et contrôleur de la dépense du duc Jean II de Bourbon. Si les archives d’une part et l’aspect architectural d’autre part prouvent qu’elle date du XVe siècle, il n’en est pas de même de la frise qui court au-dessus des ouvertures. Celle-ci a été ajoutée à l’époque de la Renaissance (milieu XVIe siècle). Elle présente une alternance de bucranes, de triglyphes et de macarons. De plus, sur le linteau de la porte est gravée une inscription en latin dont la traduction est : « En quelque maison que vous entriez, souhaitez-lui la paix ».
Maison située au carrefour de la rue d’Allier et de la rue de la Flèche
Connue par les vieux moulinois sous le nom de « Forges de Vulcain », cette maison à pans de bois avec un seul étage en encorbellement avait son rez-de-chaussée occupé pendant de nombreuses années par une quincaillerie.
Marie Litaudon indique qu’en 1460 elle était la demeure de Charlot Cordier, marchand, et jusqu’à ces dernières années on datait sa construction plutôt au milieu du XVe siècle. Cette datation n’était pas en concordance avec la tradition qui veut que Jeanne d’Arc, lors de son séjour à Moulins en novembre 1429, ait été hébergée dans cette maison.
En 2004, une expertise dendrochronologique d’échantillons prélevés sur la charpente et les pans de bois de cette maison a été demandée par la D.R.A.C. Auvergne à un laboratoire spécialisé. Ce dernier a établi un rapport précisant que les bois de charpente et de pans de bois provenaient d’arbres abattus au plus tôt en 1409 et au plus tard durant l’hiver 1410-1411.
On peut donc affirmer maintenant que la maison existait bien lorsque Jeanne d’Arc est venue à Moulins, mais aucune preuve écrite n’existe de son séjour dans cette demeure.
Conclusion
Dans cette ville de Moulins du XVe siècle enfermée dans sa ceinture de remparts, il y avait du point de vue social plusieurs catégories d’habitants demeurant dans des quartiers différents :
1) Le quartier commerçant allant de la rue de l’Horloge à la place du Marché au Blé (place des Vosges) en passant par la rue de la Revenderie (rue François Péron) et les halles.
2) Le quartier religieux, à l’écart de la circulation et de l’agitation bruyante du commerce, situé entre le couvent des Clarisses (rue de la Comédie) et l’église St Pierre des Ménestraux (place Marx Dormoy).
3) Le quartier près du château avec ses dépendances administratives (Cour des Comptes, Présidial, Prison). Cette partie de la ville abritait les artisans du duc et ses fonctionnaires. C’est le cas des trois propriétaires dont nous venons de parler et dont les demeures ont traversé les siècles.
4) Enfin le quartier situé dans la partie sud de la ville avec la rue d’Allier et la rue de la Flèche est celui des bourgeois ou des gros commerçants comme Charlot Cordier, cité comme marchand au XVe siècle, propriétaire de cet immeuble à colombages construit en 1411 et qui a résisté jusqu’à nos jours.
Georges Chatard

Sources

Marie Litaudon-« Moulins en 1460 »-Moulins, Crépin-Leblond éditeur-1947
Marie Litaudon-« Moulins en 1660 »-Les Imprimeries Réunies-Moulins-1961
Maurice Bazin-« La vie d’une cité : Moulins »-Les Imprimeries Réunies-Moulins-1964