Il existait des tanneries à Moulins depuis le Moyen Age. Les artisans tanneurs s’installaient le long du ruisseau de Grillet venant d’Yzeure, travaillant les peaux de toutes sortes fournies par les bouchers locaux. Le tannage aux produits végétaux et plus spécialement à l’écorce de chêne, ne s’est généralisé qu’à la fin du Moyen Age, remplaçant la tannerie à l’alun. L’approvisionnement facile dans notre région, riche en taillis de chêne, fut sûrement la principale cause du développement de ce métier à Moulins.
En 1817, Joseph Sorrel, natif de la Vallée du Rhône où les manufactures de cuir et de chaussures sont nombreuses, acheta une tannerie à Moulins. Avec d’autres tanneurs il inventa des machines pour travailler le cuir.
En participant aux expositions universelles (Paris : 1844 – Amiens : 1849-1860), ils portèrent au loin la notoriété du cuir de Moulins, qui se classait parmi les meilleurs en France et en Europe. Ses fils, Joseph (qui devint maire de Moulins) et Etienne ainsi que son gendre M. Sauvage, lui succédèrent et construisirent la plupart des bâtiments.
Entre 1880 et 1900 apparurent de nouveaux procédés, ce qui amena les tanneries à se spécialiser dans le travail des gros cuirs pour semelles, sellerie et bourrellerie. Au début du XXe siècle, la renommée de la tannerie Sorrel dépassa le cadre local et trouva de nombreux débouchés grâce à l’exportation. En 1924, après la mort de Joseph Sorrel, la tannerie devint une société anonyme mais resta néanmoins familiale. Elle fut administrée par ses filles, Mesdames de Beaubert et Guinard, et dirigée par leurs fils respectifs, Jacques de Beaubert et Raymond Guinard. Ce dernier fut aidé de son fils Christian qui représentait la 5e génération. Après la guerre de 1939-1945, l’utilisation du plastique et la disparition des chevaux entraînèrent la fermeture de nombreuses tanneries. Les tanneries Sorrel, face à cette crise, choisirent de fonctionner en fournissant un cuir à semelles de qualité utilisé dans la chaussure de luxe.
Dans les années 1970, pour faire face à la crise économique et à l’évolution de l’industrie vers la concentration, les tanneries Sorrel passèrent une convention avec les tanneries du Centre à Roanne qui ajoutèrent ainsi à une gamme étendue de leurs productions celle du cuir Sorrel dont la qualité était jugée irremplaçable par les bottiers et les orthopédistes. Mais cela n’a pas suffi et cette vieille industrie moulinoise qui a employé jusqu’à 80 personnes, ferma ses portes et les bâtiments furent démolis en 1977 laissant la place à un immeuble, la Résidence Vincent d’Indy.
Georges et Christiane Chatard