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Sur la piste des bisons : le singulier voyage de Victor Tixier entre Allier, Mississipi et Missouri

Saint-Pont
Chacun sait que les Bourbonnais peuvent désormais fêter le bison dans l’Allier, à Rocles, en fin d’été ! Mais beaucoup ignorent sans doute que c’est un jeune Bourbonnais, originaire du village de Saint-Pont, qui conta pour la première fois avec force détails une chasse aux bisons dans l’ouest américain en relatant son séjour chez les Osages dans un livre publié en 1844 : « Voyage aux prairies Osages ». Réédité à plusieurs reprises aux États-Unis, et cité très régulièrement par les universitaires consacrant leurs travaux à l’histoire de l’ouest américain, le récit de Victor Tixier est considéré comme un témoignage de référence sur la vie des tribus Osages.
Victor Tixier (1815-1885) a 24 ans quand il s’embarque au Havre en 1839. Étudiant en médecine à Paris, il décide d’interrompre ses études suite à un problème de santé et de partir découvrir l’Amérique. Il déclarera plus tard en évoquant sa jeunesse qu’il appartenait à ces jeunes romantiques parisiens qui se pressaient aux premières des pièces de Hugo. Il s’est nourri aussi des lectures de Fenimore Cooper dont le public français raffole depuis la parution du « Dernier des Mohicans » en 1826. Sans doute a-t-il aussi été marqué par la visite des six indiens Osages en France en 1827. Triste épopée en vérité que cette exhibition publique des Osages. Celui qui les a amenés en France, Delaunay, est condamné pour dettes, et ils errent alors sans ressources en Europe. Ils ne sont que 3 survivants à atteindre Montauban dont l’évêque n’est autre que l’ancien prélat de Louisiane. Son intervention, la générosité des montalbanais et l’appui de La Fayette permettent leur retour en Amérique. Tixier rencontrera d’ailleurs l’un d’eux lors de son séjour chez les Osages .
Victor Tixier débarque à la Nouvelle-Orléans, remonte le Mississipi jusqu’à Saint-Louis, puis le Missouri, nous livrant au passage une description de la société des planteurs et de l’esclavage un quart de siècle avant la guerre de Sécession. Occasion aussi de découvrir sous sa plume le récit des courses de steamboat à toute vapeur pour remonter le fleuve ! Il s’attache, tout au long de son récit, à décrire avec minutie la nature qu’il découvre. Puis c’est la chevauchée dans les plaines, aux confins des actuels états du Kansas et de l’Oklahoma, à la rencontre des Osages avec lesquels il va passer toute la saison de chasse : « vivant avec les Osages, je voulais vivre comme eux, je voulais être Osage aux prairies ».
Tixier observe et note tout : la langue qu’il prend soin d’étudier ; la religion, le rôle des femmes, l’organisation politique, la place des chevaux, les rapports avec les autres tribus, la médecine indienne, et bien sûr la chasse aux bisons. Tixier suit la tribu Osage dans sa chasse jusqu’aux rives du haut Arkansas et à la Grande Saline. A la fin de l’été 1840 il rentre à Saint-Louis, malade, et gagne New-York, puis la France.
Victor Tixier devient médecin à Saint-Pont dans la demeure familiale. Commence alors une activité ô combien éclectique d’érudit local. Membre ou correspondant de plusieurs sociétés savantes, dont la Société d’Émulation, il s’intéresse au dialecte local et publie un glossaire du parler de la région d‘Escurolles. Il recueille aussi des légendes et en publie les textes en dialecte. Ses travaux seront repris ensuite entre autres par Camille Gagnon dans ses ouvrages sur le folklore bourbonnais. Mais il traite aussi par des articles ou conférences d’agronomie, de médecine, d’histoire locale et il se fait naturaliste. Ainsi en 1860 la société impériale zoologique d’acclimatation le remercie pour sa contribution à l’étude « des questions sur la vipère » ! S’il fallait détromper ceux qui considèrent qu’un érudit du XIXème siècle est un rat de bibliothèques poussiéreuses, le parcours de Victor Tixier suffirait à le démontrer !
Il évoque encore l’Amérique en 1870 en donnant une conférence sur les causes des migrations des bisons et de l’avifaune de la vallée du Mississipi, faisant part à cette occasion de son émerveillement devant l’oiseau mouche rubis-caroline qu’il a observé en Louisiane !
Demeurent aujourd’hui de Victor Tixier ses textes mais aussi quelques dessins des visages d’Osages qu’il prend soin de croquer lors de son expédition et qui suscitent alors ce vœu des intéressés : « tu vas, me dit-on, les emporter sur la Grande-Eau, au pays des Français, et tu leur montreras les Osages »
Jean-Luc Galland
Sources
  • Illustration « La chasse aux bisons » de George Catlin-1844
  • Les portraits joints d’Osages et citations sont extraites de « Voyage aux pays Osages » de Victor Tixier- Clermont-Ferrand ; Perol Libraire éditeur – 1844
  • Conférences et textes de Victor Tixier conservés aux archives et à la bibliothèque de la Société d’Émulation du Bourbonnais ou publiés au bulletin de la société.