Au sein du quartier historique de Moulins se trouve un groupe d’immeubles situé entre la rue des Orfèvres et la place de l’Ancien Palais.
Dans son étude de Moulins en 1460, Marie Litaudon mentionne que ce groupe d’immeubles est appelé « Maisons du Ban » au vu du terrier A116 n° 784 conservé aux Archives départementales de l’Allier. Cette appellation remonte au XIIIe siècle, époque où cet ilot était une dépendance du château portant des maisons et où se vendaient les vins provenant de la récolte de Mgr. le duc en un temps et des conditions déterminées par la charte de 1232 et son additif de 1244. En effet, il est dit au terrier A115 que Mgr. le duc a son ban pour vendre son vin du premier au vingt huitième jour du mois d’août durant lequel nul n’a droit à vendre le sien. Au Moyen âge, le pouvoir seigneurial s’appelait le droit de ban. Il s’exerçait sur tous les habitants de la seigneurie. Il y avait le pouvoir judiciaire, le pouvoir militaire et le pouvoir économique. A Moulins, au XVe siècle, sur le plan économique, le duc de Bourbon possédait les fours baniers, les halles, la boucherie. Il en assurait le fonctionnement et naturellement en tirait les profits.
Quant aux maisons du ban, elles furent peu à peu concédées à des particuliers. D’ailleurs, on voit qu’en 1460, elles furent aux mains de marchands et de serviteurs du duc et de la duchesse de Bourbon. Citons Gilles le Tailleur, argentier du duc Charles Ier, Guillaume Moreau, secrétaire de la duchesse Jeanne de France, épouse du duc Jean II, Henriet Pinon, valet de chambre et tailleur du duc Jean II (photo n° 1).
Un seul de ces immeubles a réussi à traverser les siècles, c’est celui de Guillaume Moreau situé 7 rue des Orfèvres, reconnaissable à ses pans de bois, ses étages en encorbellement (photo n° 2), sa tour d’escalier éclairée de fenêtres décorés de choux frisés (photo n° 3), ses galeries de bois desservant les étages (photo n° 4).
Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, le groupe de maisons que l’on nommait « Maisons du Ban » au XVe siècle, portait le nom « d’Isle du Palais ». Par rapport aux siècles passés, les propriétaires eurent des professions plus variées : notaires, orfèvres, chirurgiens, greffiers, avocats ou prêtres. Comme au XVe siècle, les immeubles qui les ont remplacés au XVIIe siècle ne sont pas parvenus de nos jours dans leur intégralité. Tous ont été plus ou moins modifiés aux XVIIIe et XIXe siècles. Cependant le plan au sol est resté le même depuis le XVe siècle. (Photo n° 5).
Dans son étude de Moulins en 1660, Marie Litaudon note que le groupe d’immeubles qui se trouve sur le front nord de l’Isle du Palais est possédé à cette époque par Claude Meredieu, orfèvre, et Jean Vigier, sieur de Praingy. D’ailleurs, elle fait figurer deux immeubles sur le plan de 1660. Actuellement, c’est un seul immeuble qui est au nord de l’îlot. Il montre une façade appareillée de briques et de pierres vermiculées, ce qui prouve en principe une construction au XVIIe siècle (photo n° 6). Cependant, sur une pierre d’angle de l’immeuble est gravée la date du 5 novembre 1698 et sur une autre l’écusson des Guérin de Chermont : « d’azur au chevron d’or accompagné de deux étoiles de même en chef et en pointe d’un croissant d’argent ». Il est donc probable que la construction actuelle ne date que de l’extrême fin du XVIIe siècle, époque où cette famille en devint propriétaire (photo n° 7).
Jouxtant l’immeuble dont il vient d’être question, se trouve, donnant sur la place de l’Ancien Palais, un hôtel particulier disposé en fer à cheval autour d’une petite cour, elle-même séparée de la place par un mur aveugle. Ce dernier est percé d’un portail à deux battants avec encadrement de pierre. Cette ouverture d’une part et la disposition de l’immeuble d’autre part permettent de dater cet hôtel particulier de la seconde moitié du XVIIe siècle mais probablement remanié au début du XVIIIe siècle. En 1682, la propriété passa aux mains de Jacques de Dreuille, seigneur d’Issard, lequel avait épousé Isabelle, fille de François de Culant (photo n° 8 ), propriétaire de cet hôtel.
Au vu du plan de 1660 (photo n° 5) on remarque un petit bâtiment légèrement en saillie le long de la rue de l’Ancien Palais, à la pointe sud de l’Isle du Palais. Marie Litaudon indique qu’à cette époque, il appartenait au notaire Antoine Michel et qu’il était encastré dans les maisons des frères Mestraud, l’un chirurgien, l’autre orfèvre. Par contre, la photo n° 9 montre qu’actuellement la propriété en saillie du notaire n’apparaît plus. Il faut peut-être en déduire que cet immeuble appareillé de briques bicolores disposées en losanges a été soit profondément remanié, soit complètement reconstruit au début du XVIIIe siècle.
Au XVIIe siècle, l’immeuble n° 6 de la place de l’Ancien Palais a appartenu au pâtissier Jacques Madelena. Comme il a été dit, au XVe siècle, c’était la demeure de Guillaume Moreau. Quant au n° 4, le propriétaire en était Messire Gabriel Giraud, prêtre, official de Moulins, docteur en théologie.
Grâce à une gravure d’Armand Queyroy (photo no 10) réalisée avant 1875, on peut se rendre compte de l’aspect qu’avait cet immeuble au XVIIe siècle. Une surélévation de l’aile droite a malheureusement rompu l’harmonie architecturale primitive de la façade (photo n° 11). Par contre, l’escalier en bois a été conservé dans son intégralité. (photo n° 12).
C’est en 1928 que la Société d’Emulation du Bourbonnais fit l’acquisition de l’immeuble n° 4 de la place de l’Ancien Palais et en 1937 de celui du n° 6. C’est dans ce dernier du pur XVe siècle que fut inauguré le musée de Folklore le 27 mai 1939. Ses collections d’art et traditions populaires furent très appréciées des touristes et bien sûr des Bourbonnais jusqu’en 2004, date de sa fermeture (photos n° 13 – 114 – 15 – 16).
En 2005, la Société d’Emulation a loué ses deux immeubles à la Ville de Moulins par bail emphytéotique pour une autre affectation.
Georges Chatard