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Walter Stucki, l’homme qui a sauvé Vichy et Moulins en 1944

Moulins Personnages historiques Vichy
Walter Stucki est ambassadeur de Suisse en France lorsque la guerre éclate. A l’instar du Gouvernement Pétain il s’installe à Vichy. Représentant d’un pays neutre, il gagne la confiance de tous les partis en présence et devient un médiateur apprécié. En 1944 son rôle actif va lui permettre de sauver Vichy et Moulins des destructions.
Le 19 août 1944 le Maréchal Pétain est visé par un mandat d’arrêt décerné par Hitler au Général Neubronn Von Eisenberg dirigeant la Werhmarcht à Vichy. Soit le Maréchal est arrêté soit la ville est bombardée le jour même !
Stucki accepte d’intervenir auprès du général nazi pour protéger la population civile des effets des bombardements. La médiation est ardue. Mais Neubronn qui n’est pas convaincu du bien-fondé des destructions envisagées accepte le scénario mis sur pied par le diplomate Suisse dans le but de satisfaire les revendications d’Hitler. Au petit matin, les forces allemandes enfonceront les portes de l’hôtel du Parc puis la porte de l’appartement de Pétain. La garde n’opposera pas résistance et d’un côté comme de l’autre, aucune arme ne sera chargée !
Le Maréchal et son chef de gouvernement Pierre Laval seront arrêtés. Bien qu’ils n’aient pas officiellement démissionné, cette action mettra fin au régime politique de l’Etat français. Pétain sera conduit à Sigmaringen en Allemagne.
Stucki est rappelé par le gouvernement Suisse. Il refuse de rentrer mettant en avant son but d’empêcher les français à se déchirer inutilement entre eux, de les amener à renoncer aux actes de vengeance et d’assurer dans l’ordre et la paix la transmission du pouvoir à Vichy.
Il va à la rencontre des FFI sur les hauteurs du Mont Dore et en informe le commandement allemand. Il obtient la promesse de la libération de Vichy dans le calme. Aucun écrit n’est rédigé mais un regard ou une poignée de mains sont suffisants pour sceller la confiance.
Les continuelles interventions de Stucki sont décisives auprès des unités allemandes en plein repli.
Le 26 août les forces d’occupation se mettent en route pour Belfort, abandonnant dans les rues de Vichy de très nombreux objets divers pour alléger les camions.
Au petit matin Stucki s’entretient une nouvelle fois avec les FFI qui feront une heure plus tard, leur entrée victorieuse dans Vichy.
Début septembre, l’ambassadeur fait ses visites d’adieu et s’apprête à regagner la Suisse. Mais les FFI envisagent d’attaquer les nombreuses troupes allemandes encore en poste sur l’axe St-Pourçain – Moulins – Digoin – Macon. Une opération est prévue dans la nuit du 5 au 6 septembre pour libérer Moulins.
Des renseignements obtenus côté allemand, les troupes seraient prêtes à capituler. Mais pas entre les mains des FFI, force non reconnue comme armée régulière. Une effusion de sang est donc à prévoir ! Stucki saute dans son automobile ornée du drapeau Suisse et file à toute allure en direction de Moulins. Il est stoppé à Bessay envahi par une foule bigarrée constituée de détachements de l’ancienne armée régulière parfaitement équipée, des éléments FFI et FTP avec des brassards et armement variés dont des vieux fusils de chasse, et aussi des femmes armées, des africains, … Ce tableau lui rappela certaines images de la Terreur sous la Révolution française !
Il poursuivit sa route, approchant de Moulins, il hissa un grand fanion blanc à côté du drapeau Suisse. Soudain un barrage. De nombreuses armes braquent la voiture qui s’immobilise. Stucki descend, se saisit du fanion blanc et demande à parler à un officier allemand. Pas de réponse. Il renouvelle deux fois son désir avant d’avoir comme réponse « Russki ». Les militaires qui armaient ce poste étaient vraisemblablement membres de l’armée Vlassof. Stucki est déconcerté. Soudain il aperçoit au loin un autre groupe de soldats. Il crie « Veuillez m’envoyer quelqu’un qui comprenne l’allemand ». Un sous-officier s’approcha avec méfiance, Stucki lui explique qu’il était chargé d’une mission importante et qu’il devait absolument s’entretenir avec un officier. Il est conduit sous bonne garde en centre-ville où le commandant allemand l’attend. L’entretien a lieu dans une salle à manger d’un petit hôtel.
Là, Stucki tente de faire comprendre sa mission à l’officier qui écoute en silence, le passeport diplomatique en main. Après un long silence désagréable, le Lieutenant-Colonel dit : « Ou bien vous êtes vraiment le ministre de Suisse et vous vous mêlez de choses qui ne vous regardent pas ou bien ce qui est plus vraisemblable, vous êtes tout simplement un espion dont le procès ne trainera pas ! » et d’un regard qui en disait long, il montra le mur sinistre de la cour.
Gardant son calme Stucki lui explique les nombreuses et diverses missions qu’il a déjà menées dans l’intérêt de tous. Finalement le haut gradé allemand se détend et explique qu’il n’était pas autorisé à capituler. Stucki continue à argumenter pour éviter une grave effusion de sang. Aucune réponse ne suivit mais l’allemand a paru touché et c’est sur un ton tout à fait correct que les hommes se séparent.
Stucki est reconduit à sa voiture et regagne Vichy en repassant par Bessay où le général Bertrand venait de rejoindre plusieurs officiers des FFI, anciennes connaissances de l’ambassadeur Suisse. A l’annonce du refus de capitulation de la place de Moulins, les gradés commencent à discuter du plan d’attaque. Stucki leur conseille d’attendre le lendemain matin pour mettre à exécution le dispositif de libération de Moulins et se retire.
Le 6 septembre 1944 au petit matin on informe Stucki que les allemands ont finalement quitté Moulins la veille au soir, vers 23 heures et que les FFI avaient pris possession de la capitale du Bourbonnais le matin sans tirer le moindre coup de feu.
Qui était-il ? : Walter Stucki voit le jour à Berne le 9 août 1888. Avocat de formation, il représente la Suisse lors de nombreux mandats que lui confie la Confédération. En 1933 il est nommé Ministre mais il démissionne 2 ans plus tard, refusant de se porter candidat au Conseil Fédéral. En 1938, il devient ambassadeur de Suisse en France. A la fin de la guerre il retourne à Berne où il dirige la division des affaires étrangères puis il est nommé délégué du Conseil Fédéral, chargé des missions spéciales, poste qu’il occupe jusqu’en 1953. Plus tard il réorganise la formation des futurs diplomates. Il s’éteint le 8 octobre 1963 à Berne à l’âge de 75 ans. Il est citoyen d’honneur de Vichy. La ville a donné son nom à une rue.
                                                                                                                                                                                 Michel Morer

Sources et crédit photos :

  • La fin du régime de Vichy – Walter Stucki – 1947